- 22 août 2024
- Mis à jour le 02 septembre 2024
- 4 minutes de lecture
- Interview
Dans un contexte financier difficile, le Département doit relever de nombreux défis. Qu’il s’agisse de la protection de l’enfance, du vieillissement de la population, du handicap, de la lutte contre les exclusions ou de l’accès au logement, aux équipements et aux services, le Département s’affirme comme la collectivité des solidarités. "Entre gravité et détermination", son président Jean-Luc Chenut souligne l'importance d'une mobilisation collective.
L’Ille-et-Vilaine est un département qui attire chaque année de nouveaux habitants, est-ce une force ou une faiblesse ?
"Accueillir 9 000 habitants chaque année est un atout pour notre territoire, classé parmi les dix premiers départements de France en termes de croissance démographique. Ce n’est pas une fin en soi d’avoir plus d’habitants. Mais c’est la reconnaissance que le territoire a des atouts et qu‘il fait plutôt bon vivre en Ille-et-Vilaine. Pour les élus engagés dans des politiques locales de cohésion et de solidarité, c’est sans doute le premier indicateur de reconnaissance de la réussite d’un certain nombre de ces actions. Cette capacité à accueillir, il faut l’entretenir. Avec l’achèvement des 2X2 voies Rennes-Redon et Bretagne-Anjou, nous avons un maillage routier adapté au développement de notre territoire. Nous devons cependant prévoir des équipements pour les collèges avec des programmes d’extension ou de restructuration importants même si la création d’établissements n’est plus à l’ordre du jour comme en 2020. Nous soutenons aussi des équipements dédiés à la petite enfance tels que les crèches et multi-accueils."
9000
C'est le nombre de nouveaux habitants en Ille-et-Vilaine chaque année. Le territoire figure ainsi parmi les 10 premiers départements de France en termes de croissance démographique.
Vous ne cessez d’alerter sur la situation financière du Département. Quel est le problème ?
"Les droits de mutation, appelés couramment « frais de notaire », sont une des principales recettes des Départements. Ils avaient déjà beaucoup baissé l’an dernier. L’effondrement se poursuit cette année correspondant, en juin, à une perte de 180 000 € par jour pour le Département. En parallèle, les dépenses sociales pour l’insertion, les personnes âgées ou en situation de handicap, la protection de l’enfance augmentent fortement. Bien avant la baisse des droits de mutation, j’avais alerté sur le problème que représentait le transfert de la taxe sur le foncier bâti des Départements aux communes en raison de la suppression de la taxe d’habitation. Cette réforme nous a conduits à une perte totale d’autonomie. Nous ne pouvons plus agir via l’impôt. Nos deux principales recettes -la TVA et les droits de mutation sont directement liées au contexte économique et notamment immobilier. Ce problème est partagé par tous les autres Départements. La solution ne peut pas être locale."
En savoir plus sur la situation financière du Département
Selon vous, que faut-il faire ?
Il faut repenser le modèle de financement des Départements. Leur situation est de loin la plus préoccupante si on compare aux Régions, aux intercommunalités ou aux communes. Quand on décide, par exemple, de créer des places d’accueil au titre de la protection de l’enfance, des personnes âgées dépendantes ou du handicap, elles ont vocation à être pérennes. Et ce type de dépenses ne peut que progresser.
Il est indispensable d’avoir des ressources stables, dynamiques, sur lesquelles on peut agir.
Quelles sont les autres priorités du Département en matière de solidarité ?
"Les actions en faveur du handicap sont également une de nos priorités. Un apport d’un peu plus de 21 millions d’euros de l’Agence régionale de santé pour la période 2024-2028 est prévu. La perspective de lancer des appels à projets pour 175 places d’accueil est liée à la confirmation de l’engagement de l’État à nos côtés. Pour la création de places pour les enfants en situation de handicap, l’État est seul compétent en la matière et les moyens alloués sont insuffisants. Un autre enjeu est le vieillissement de la population et la perte d’autonomie qui exigent un plan national.
La loi Bien vieillir contient des déclarations d’intention louables mais elle se heurte à la question des moyens. Que l’on choisisse de privilégier le maintien à domicile ou d’augmenter les places d’hébergement, ce besoin va croître. L’an dernier, nous avons voté 4 millions d’euros de subventions exceptionnelles pour aider les Ehpad les plus en difficulté. Nous sommes dans l’impossibilité de renouveler ce soutien cette année. Nous attendons aussi une meilleure compensation de l’allocation personnalisée d’autonomie (Apa) par le CNSA. Les ressources compensées ne couvrent que 34 % de nos dépenses d’Apa alors que la moyenne nationale est de 42 %.
En ce qui concerne l’insertion, nous sommes au milieu du gué. L’an dernier, nous avons décidé de nous engager dans l’expérimentation du RSA rénové dans le pays de Redon. Les premiers résultats sont encourageants, notamment pour la prise de confiance, la réduction des délais pour un premier contact avec un conseiller, l’orientation vers l’activité économique. La question, c’est de voir comment pourrait être pérennisé ce dispositif. Il faudrait 15 millions d’euros pour le généraliser en Ille-et-Vilaine. Nous souhaiterions que l’expérimentation se poursuive. Mais notre visibilité sur ce sujet est aujourd’hui très limitée."
Dans quel état d’esprit êtes-vous ?
"Entre gravité et détermination. Nous devons gérer une chute considérable de recettes et des besoins sociaux en constante augmentation. Nous faisons face à nos responsabilités avec transparence et lucidité. Je compte aussi sur l’esprit de responsabilité de nos partenaires. Nous nous mobilisons à tous les niveaux pour affronter ces défis, en veillant à protéger les plus fragiles."
Lire l'interview complète dans le magazine Nous Vous Ille n°145
Une situation financière inédite et inquiétante
Le Département d'Ille-et-Vilaine est confronté à une situation financière inédite. En cause : la chute brutale de ses recettes issues des Droits de Mutation à titre onéreux (DMTO), appelés communément "frais de notaire". Une situation liée à la conjoncture économique et à la crise immobilière. En 2023, les pertes étaient de 51 millions d’euros par rapport à l'année précédente. Parallèlement, les dépenses sociales connaissent une très forte hausse, ce sont des dépenses obligatoires liées à la protection de l'enfance, à l'insertion avec le RSA, aux personnes âgées et au handicap.
Malgré ce contexte, comment faire pour parvenir à un budget équilibré ?
L'assemblée départementale a approuvé en juin dernier une modification du budget prévoyant 8,2 millions d'économies. En investissement, le Département a retiré 25 millions de crédits pour limiter le recours à l’emprunt et les frais financiers qui en découlent. Ce qui signifie que différents projets et travaux sont reportés.
Quelle est la situation ?
En Ille-et-Vilaine comme ailleurs, le secteur de la protection de l’enfance connaît un contexte diciffile : demandes de protection en hausse, saturation des dispositifs de protection de l’enfance et des lieux d’accueil, augmentation du nombre d’enfants en situation de handicap… Le Département accueille et protège 4 000 enfants (au 31 décembre 2023). Un chiffre en augmentation de plus de 7 % en un an. Par ailleurs, 3 700 enfants ou jeunes bénéficient d’une mesure d’action éducative tout en restant à leur domicile. Le Département a fait de la protection de l’enfance sa priorité. C’est son premier poste de dépense, en hausse de 71% par rapport à 2014, soit 208 millions d’euros cette année
Et pour demain ?
Le premier frein est évidemment le contexte financier des Départements. Si le Département est chef de file de la protection de l’enfance, une mobilisation collective est indispensable. L’État a son rôle à jouer via l’Éducation nationale, la Justice et la Protection judiciaire de la jeunesse. Les Agences régionales de santé ont aussi une place centrale pour le soin et l’accompagnement des enfants en situation de handicap. C’est la mise en œuvre de l’ensemble de ces politiques publiques qui permet et garantit la prise en compte globale des besoins de l’enfant. Le Département mise aussi sur la prévention et propose de nombreux services et actions en faveur des jeunes enfants et de leurs parents, notamment via les services de la Protection Maternelle et Infantile (PMI).
Quelques chiffres
- 4000 enfants et jeunes majeurs sont confiés à l'Aide sociale à l'enfance, soit accueillis en établissement, soit chez des assistants familiaux
- 3700 enfants sont suivis à domicile par le Département
Quelle est la situation ?
L’accompagnement de la perte d’autonomie est devenu un défi majeur. L’Ille-et-Vilaine comme le reste du pays doit faire face au vieillissement de la population. On estime que 10 % de la population est en situation de handicap. . De plus en plus de personnes souhaitent rester à leur domicile. Il convient de créer les conditions nécessaires pour répondre à cette aspiration.
Et pour demain ?
Le Département a adopté un nouveau schéma en faveur de l’autonomie et de l’inclusion en novembre 2023. Ce schéma prévoit d’améliorer l’attractivité des métiers du secteur médicosocial, renforcer la qualité et la diversité des réponses apportées tant à domicile qu’en établissement, favoriser l’accès aux droits et aux prestations, renforcer la participation des acteurs de l’autonomie et améliorer la coordination, soutenir les aidants et prévenir la perte d’autonomie.
Quelques chiffres
- 4000 personnes de plus de 75 ans chaque année en Ille-et-Vilaine
- 22 000 bénéficiaires de l'Aide personnalisée d'autonomie (APA) en Ille-et-Vilaine
Quelle est la situation ?
L’Ille-et-Vilaine bénéficie d’une situation économique et sociale plus favorable qu’ailleurs. On constate néanmoins une nette dégradation de la situation d’une part importante des Bretilliens de tous âges : difficultés accrues pour accéder à un logement ou pour faire face aux charges que cela implique, recours massif à l’aide alimentaire, augmentation du nombre de personnes durablement éloignées de l’activité économique… Lorsqu’on perçoit le RSA, on est en dessous du seuil de pauvreté.
Et pour demain ?
Le Département pilote et finance le RSA qui est un revenu minimum ainsi qu’un dispositif d’accompagnement pour les personnes qui ont de faibles ressources. Le programme bretillien d’insertion 2023-2027 donne le cap de la politique de lutte contre les exclusions.
Le Département est engagé dans plusieurs expérimentations pour préparer demain. Il teste par exemple de nouveaux modèles de retour à l’emploi comme Équilibre Emploi qui permet de concilier le RSA avec un salaire sur un emploi court dans un secteur en tension (agroalimentaire, restauration, soins à la personne…). À Rennes et Pipriac, il soutient les territoires zéro chômeur de longue durée. Il est partie prenante de l’expérimentation France Travail à Redon qui permet de renforcer l’accompagnement des allocataires du RSA.
Quelques chiffres
- 30% des personnes éligibles au RSA ne le demandent pas
- 19 000 allocataires du RSA en Ille-et-Vilaine dont 30% de familles monoparentales et 25% de jeunes de moins de 30 ans
Quelle est la situation ?
Dans le parc privé comme dans le parc HLM, la conjoncture est défavorable pour le secteur immobilier avec une envolée des coûts des travaux, des difficultés d’accès au foncier et l’augmentation des taux d’intérêt. Accueillant 9000 nouveaux arrivants chaque année, l'Ille-et-Vilaine manque de logements sociaux, en particulier des T1-T2, car la demande a évolué en raison de l'augmentation des familles monoparentales. Les besoins sont également très importants pour les personnes seules, les jeunes actifs et les seniors avec un délai d'attente de 18 mois en moyenne.
Et pour demain ?
Le Département dégage des moyens pour soutenir les opérations de construction ou de rénovation (+ 49 % de crédits entre 2015 et 2023). Pour développer l’offre de logements HLM, il a notamment conclu une nouvelle convention de partenariat avec son bailleur social Néotoa pour les années 2022 à 2025 pour un montant total de près de 20 millions d’euros. Mais la mobilisation de tous les acteurs -État, collectivités, bailleurs, financeurs- est nécessaire pour produire de nouveaux logements mais aussi décarboner le parc existant.
Quelques chiffres
- 70% des Bretilliens et Bretilliennes sont éligibles au logement social
- 15,6% de logement social en Ille-et-Vilaine
Quelle est la situation ?
Disparition des commerces, des services publics… Certains territoires, notamment des zones rurales, sont fragilisés. En complément des solidarités humaines, le Département est le garant des solidarités territoriales. Le Département est très présent auprès des collectivités locales pour les aider à réaliser leurs projets, participant au financement de salles de sport, centres culturels, salles polyvalentes, crèches multi-accueil, maisons de santé mais aussi de logements ou de commerces dans les centres-bourgs.
Et pour demain ?
Les territoires les plus démunis bénéficient d’une aide plus importante que les territoires les plus favorisés. Les contrats de solidarité territoriale et le dispositif Ambitions Communes contribuent en compensant les écarts de richesse et les inégalités. 93 communes bénéficient d’un appui renforcé en financement et en conseils dans le cadre du programme Ambitions Communes.
Quelques chiffres
- 80,3 millions d’euros pour les territoires pour la période 2023-2028 via les 18 contrats départementaux de solidarité territoriale
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